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24/11/2010

[Interview] Le 4romain - Sans maquillage

Le beatmaker français Le 4romain s'est doucement mais sûrement fait une petite place dans le paysage si contrasté du rap français, passant de son groupe Les Enfants Rois à cet excellent "Beatease Concept", en passant par l'épisode Rouge à Lèvres, un volume de notre "Beat Heroes Collection", sans oublier la création de son label Trueflav Records. En somme, un bon nombre de sujets à aborder avec lui dans cette interview qu'il a eu l'amitié de nous accorder.




STEREOTREE: Si tu peux te présenter, retracer ton parcours, dans les grandes lignes, pour ceux qui ne te connaissent pas encore?

LE 4ROMAIN: Ok, alors je m’appelle IV (Yves) aka Le 4romain et mon prénom n'est pas Romain... "IV? mais non 4!" dans "Les 12 Travaux d'Astérix"  (rires). Je suis ce que l'on appelle dans le monde du Hip Hop un Beatmaker ainsi qu'un MC, "Yo!", et cela depuis le milieu et la fin des années 90. J'ai fondé et nommé deux groupes, l'un en 2004 avec Grems et Killersounds appelé "Rouge à Lèvres" avec deux albums sortis et l'autre avec Giuliano dans la même période sous le pseudo "Les Enfants Rois" avec un album sorti à présent.

STEREOTREE: Donc, finalement, tu as fondé deux groupes très différents, tant dans la forme que dans le fond, quelle était ta démarche pour chacune de ces entités?

LE 4 ROMAIN: En fait, cela n'a pas été calculé en avance, ça c'est fait naturellement et dû aux personnes avec qui j'ai collaboré. J'ai plusieurs facettes et aime les laisser s'exprimer grâce aux gens avec qui je travaille.
Après je vois ça comme de la cuisine, genre j'ai tel ingrédient alors voyons quel plat je peux faire. Pour Rouge à Lèvres par exemple, il fallait trouver un moyen de canaliser toute notre énergie créatrice pour la retranscrire en un concept frais, joyeux et surtout innovant. Pour Les Enfants Rois, à contrario de la spontanéité de Grems, Giuliano pense et repense tout et du coup change complètement le rythme de création. Et surtout pose un décor favorable à du fond, du texte.

STEREOTREE: Ce qui nous amène donc à cette nouvelle entité "Beatease Concept", cette fois-ci avec Harri Free Agent. Peux-tu nous relater votre rencontre et ce qu'est concrètement ce projet?

LE 4 ROMAIN: Avec Harri Free Agent, nous nous connaissons par le biais de Malek Sultan aka Freeman (ex-Iam) depuis 94 ou 95, à l'époque où nous étions jeunes danseurs dans nos groupes respectifs. Lui avec Design et moi avec le Le Scenario. Puis en 2006, j’ai joué avec Rouge à Lèvres pour un festival dans le Sud et il ne savait pas que c’était moi sur scène mais il aimait le son et quelques temps après nous nous sommes recroisés, on a parlé musique et expériences mutuelles alors voila l’idée de faire juste un track ou deux est vite arrivée. Nos goûts en Hip Hop sont proches et on est tout deux fans de Madlib depuis Lootpack ou des prods de Jay Dee sur Tribe ou Pharcyde et bien sur le "Welcome To Detroit".

STEREOTREE: OK, donc finalement, c'est encore une nouvelle direction que tu as choisie ici. Le nom, "Beatease Concept", laisserait penser qu'on a à faire à un énième clone de "Donuts", mais c'est loin d'être le cas, ça rappe même beaucoup! Quels sont les thèmes que vous abordez?

LE 4ROMAIN: Les 15 titres sont rappés, oui. L'écriture et les métaphores sont à plusieurs couches pour redécouvrir l'album le plus longtemps possible. Quand les rimes sont trisyllabiques, ce n'est pas sans le fond.
Les thèmes abordés vont de la conscience sociale aux rapports humains et leurs complexités, de la nostalgie à la naïveté enfantine, de la souffrance à l'amour...

STEREOTREE: Vous avez invité plusieurs artistes, tu peux nous parler d'eux et de ce qui vous a motivé à les convier sur cet opus?

LE 4ROMAIN: Les invités sont surtout des amis. Giuliano bien sûr, qui est donc la deuxième moitié des Enfants Rois. Libre Penseur qui est l'artiste prometteur de Trueflav Records avec bientôt un tres bon maxi. Two Tungs, l'anglais turbulent avec qui Harri a déjà sorti un CD sous le blaze Épisode. Jalley, qui est un très bon chanteur Soul expérimenté et nous avons bientôt en commun un projet House/Soulful. Missak, l'autre Lyonnais technicien du rap et complice d'humour caustique. Fa7, qui est un chanteur et guitariste Soul/Folk mais qui ici pose super bien en spoken word. Alban, guitariste un chanteur du groupe Agitate Lips, qui a bossé sur le track "Short D'écolier". Iraka bien sûr, qui etait déjà sur l'album "Les Enfants Rois Ne Dorment Jamais" et Sunjata, le old timer du premier groupe d'Harri, Design, et qui me connait depuis mon adolescence.

STEREOTREE: Donc l'ambiance est plutôt familiale, ça se ressent d'ailleurs à l'écoute et c'est ce qui ressort, entre autre, du projet. Le côté un peu collégial... Du coup, tu peux nous parler un peu plus de ton label Trueflav Records? Quelle est la ligne directrice, les artistes signés, les prochains projets?

LE 4ROMAIN: Trueflav Records est une coopérative d'amis (artistes) voulant explorer et sublimer leurs arts. Une musique pointue mais pas élitiste, et ça j'y tiens! Comme je disais plus haut, le maxi de Libre Penseur, que j'ai composé (oui encore), va arriver prochainement le temps pour lui de sortir sur des feats et clips pour ne pas interférer avec son projet et faire monter le buzz. Un gros single House/Soulful, où nous sommes deux à la prod avec Diame et chanté par Jalley, qui est fini depuis longtemps. Ressortir le CD de l'album "Les Enfants Rois Ne Dorment Jamais", plus des inédits du duo en numérique. Un album instru pour moi mais j'ai plusieurs possibilités de concept alors j'arrive pas à me décider! Le projet de Diame, qui est un beatmaker de talent et une tornade au mic, est bientot fini. Ça me tarde parce que je suis un peu trop présent à la production quand même! Jje vais faire bientot une compilation du label pour justement présenter les artistes derrière le mic mais aussi au beat comme Killersounds, anciennement le concepteur sonore, avec moi, de Rouge à Lèvres. Il va y avoir des belles surprises, mais chut!

STEREOTREE: En effet, il y a de quoi faire. J'en profite pour rebondir sur Rouge à Lèvres. Concrètement, que s'est-il passé avec ce groupe? Vous avez eu un réel succès, une grosse hype et un nom comme Disiz qui se joint au délire... Qu'est-ce qui a fait que ça a splitté?

LE 4ROMAIN: En fait il n'était plus possible pour moi de travailler avec Grems. Ce groupe a été une superbe expérience de par son avance artistique sur son temps et bien sûr qu'il est regrettable que Rouja n'existe plus.
Je ne vais pas tout relater et faire du misérabilisme parce que cela ne va servir à personne mais je vais refaire la métaphore faite à un ami pour répondre à ta question: "Ça a été un peu comme du chocolat, c'était très bon, mais à trop en manger, ça m'a fait très mal au foie"...

STEREOTREE: Oui, je saisis l'image... Malgré tout, sans faire dans le ragot, il y a quand même un point important sur lequel je souhaiterais m'attarder. On sent un conflit quand à la parenté du son que vous avez créé, le Deepkho. Là encore qu'en est-il concrètement, sans rentrer dans les conflits de bas-étage?

LE 4ROMAIN: En fait, la dénomination a été trouvée par Grems mais sonne bizarrement comme le diminutif de mon blaze... (rires) Pour être sérieux cinq minutes, je vais donner la véritable histoire du Deepkho et non celle proposée par une personne inconnue sur Wikipedia. Tout a commencé quand j'ai été invité chez Grems pour réaliser son premier album. J'ai produit un titre nommé "Algèbre" qui devait aussi sortir en version remix sur la compilation "Mot 2 Passe". Seulement, la version remix une fois finie nous plaisait plus, alors nous avons échangé pour que la nouvelle version soit sur son album. J'ai trouvé un style, quand avec l'acapella j'ai, pour le delire, composé un son un peu House au ralenti. Un nouveau style naissait, alors nous avons voulu plus tard faire un projet à deux, mais c'est seulement avec l'arrivé de Killersounds apportant sa culture Funk que le Deepkho est devenu un son. C'est juste plusieurs années après, pendant la création du deuxième album "Démaquille Toi", que le nom est apparu. Pour finir et enfin redonner un peu d'honnêteté au truc, sans le style de rap particulier et sans les compositions de Killersounds et moi même, le Deephko n'existerait pas.

STEREOTREE: Revenons donc au présent et au label Trueflav Records, que tu as sans doute créé pour tourner la page. Quels sont les objectifs et la ligne directrice de ce label, ainsi que les artistes que tu souhaites mettre en avant dans un premier temps?

LE 4ROMAIN: Les objectifs avec Trueflav sont de sortir des albums et maxis en numérique et en physique plus régulièrement, avec des packagings particuliers et du coup en série limitée, pour constituer des collections d'objets artistiques. Je trouve cela trop lent pour le moment parce que je suis au four et au moulin. Le graphisme, les productions, l'administratif, etc... Doucement mais surement, tout se met en place et je suis confiant. Les lives aussi vont avoir une part importante pour le label, parce que l'industrie du disque comme tout le monde le sait est difficile. Faire des concerts, c'est la clé pour une longévité. Sinon, la famille Trueflav est à mettre en avant dans son intégralité, pour le futur. Après, les talents de chacun vont faire le reste sur phonogramme ou sur les planches. Pour le moment, je suis axé sur "Beatease Concept", parce que c'est l'actualité et parce que l'inexpérience scénique d'Harri et moi est déjà éprouvée, alors les lives me tardent.

STEREOTREE: OK, tu peux quand même me parler un peu des divers artistes qui font partie de cette famille Trueflav?

LE 4ROMAIN: Alors, il y a Libre Penseur qui est l'artiste en lequel je crois beaucoup, de par son talent. Iraka qui bosse avec un groupe sur un live Beatbox + instruments et voix. Diame, beatmaker et MC. Killersounds, beatmaker. Les Enfants Rois donc, composés de Giuliano et moi-même. Jalley, le chanteur Soul. Evidemment, Harri Free Agent qui va enchaîner sur son album solo. Et enfin,  Le 4romain avec bientôt un album instrumental, puis après un album solo voix.

STEREOTREE: On te voit plutôt comme beatmaker, c'est aussi oublier que tu te défends au micro, peux-tu me dire comment tu conçois l'écriture, le flow et compagnie et quelle importance ça a dans ton travail de création?

LE 4ROMAIN: Oui voilà, un beatmaker qui rappe un peu... (rires) En fait, j'ai commencé par le rap, avant la prod'. L'écriture ne m'a jamais lâché, même quand j'étais pas présent sur les pistes des tracks qui m'ont fait "un nom". Du coup les gens pensent que je ne rappe pas ou de temps en temps. J'aime écrire, déjà parce que ça comble un manque de précision dans l'émotion de la composition musicale et surtout parce que j'aime les mots. Il y a parfois des musiques que je compose à partir d'un texte écrit et après elle peut être posée par un autre rappeur, et du coup mon texte est rangé dans un tiroir. Mais le mot, la phrase ou le texte m'aide à composer avec une couleur et une émotion définie et l'inverse fonctionne aussi très bien. Je suis conscient que mon rap ne peux pas plaire à tous, parce que mon flow est laidback et du coup ma technique de placement, même multisyllabique, reste trop subtile. De plus, j'aime les accroches et imperfections qui font que ça tourne ovale. En fait, je rappe comme je compose!

STEREOTREE: Alors sinon, toi qui as un profil plus polyvalent que Scottie Pippen, qui va du Spoken Word à la House en passant par du Boom Bap et j'en passe, j'aimerais avoir ton avis sur la scène Hip Hop française actuelle, en général. Et ensuite, ce que tu penses de ces quelques artistes qui s'aventurent ailleurs pour s'émanciper (Peter Punk, Benjamin Paulin, etc...)?

LE 4ROMAIN: Parce que mon playground est tellement loin, que du coup je fais mon propre cinq majeur... Nous avons de très bons artistes dans ce pays mais ils sont isolés parce qu'ils sont pas "les fils de" et du coup il n'y a pas vraiment de scène musicale pour eux. De plus le public français n'est pas très curieux et il ne crédibilise seulement que s'il est matraqué médiatiquement. C'est triste et ce qui reflète bien notre manque de culture musicale, c'est d'écouter se qui s'exporte de notre pays a l'étranger... Heureusement que des gars comme Disiz ou Benjamin Paulin sortent des clichés comme quoi un rappeur ne peux pas faire autre chose que kicker en bas d'un bloc avec une new era et une merco à crédit. Je respecte ce genre de démarche parce que c'est ca faire un vrai bras d'honneur artistique aux esprits fermés! En français, j'écoute surtout la bonne époque du Jazz Rock ou des musiques de films: Francois de Roubaix, Cortex, Uzeb... Dans les artistes actuels, ils sont pour la plupart ou vont être sur la "Beat Heroes Collection".

STEREOTREE: Au vu de tes différentes expériences discographiques, je suppose que tu as un point de vue pour le moins mitigé sur l'industrie musicale française, et spécifiquement concernant le rap, lequel est-il? Et aujourd'hui que penses-tu de toutes ces nouvelles "mises en marché", des innombrables projets gratuits ou presque sur Bandcamp à Kanye West et ses Good Fridays, en passant par tout le système de sorties digitales en place?

LE 4ROMAIN: Oui, le rap, parce qu'il est dans une démarche populaire, souffre plus de la crise du disque que d'autres styles de musique plus élitistes. Le numérique est un moyen de visibilité et de référencement plus qu'une ressource financière. Le gratuit peut servir ou dé-servir si c'est mal épaulé par une bonne communication. Encore une fois on risque de tomber sur des personnes qui jugent la qualité au budget apporté et non à l'artistique pur. Le live! Il ne nous reste que ça pour pouvoir acheter un paquet de pâtes et de l'huile d'olive! (rires)

STEREOTREE: Bon, alors pour finir, l'avenir proche, de quoi est-il fait? Quel est programme pour "Beatease Concept"?

LE 4ROMAIN: Bosser la communication de l'album avec des clips différents à chaque fois. Trouver des lives, sortir le CD en packaging collector, en série très limitée et pour le label, un site web complet.

Interview réalisée par Rip Laimbeer

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